Nous sommes arrivés en Espagne il y a plus de 7 ans pour construire une maison et un atelier d’art dans les montagnes de Costa Blanca. Notre très vieux lévrier Bill nous a accompagnés et a vécu dans une hutte pendant la construction de la maison. On a alors décidé d’adopter un galgo espagnol. Mia, timide mais belle, a rejoint notre famille pendant cette première année.
Notre vieux Bill a survécu jusqu’à son 16ème anniversaire et a donc pu trouver sa place à l’intérieur de la nouvelle maison. Après sa mort, nous avons adopté Pasha, un autre galgo dont l'histoire est très intéressante. A l’âge de 5 ans, elle a été trouvée abandonnée et affamée, subissant le même sort que tant d’autres galgos. Elle a récupéré grâce aux soins de Mandy et d'Alan de la pension/refuge Maserof. Pasha a eu la chance de trouver finalement un maître, mais il n’avait pas beaucoup d’expérience avec les chiens. Il a fait l’erreur de l’attacher à sa caravane pendant qu’il allait à la pêche. Pendant qu’elle luttait contre la chaîne qui la retenait, elle s'est cassé la patte à plusieurs endroits. Son maître a beaucoup regretté l’incident et à son crédit, il l’a amenée chez le vétérinaire et a dépensé pas mal d’argent pour soigner la patte. Mais finalement cela lui a créé trop d’ennuis et il a finit par ramener la chienne au refuge. Mandy a fait de son mieux pour aider la pauvre à récupérer, mais Pasha s'est retrouvée avec une patte handicapée et sans maître.
C’était à cette époque que mon vieux Bill est mort et Mandy m’a appelé. On a décidé de tenter notre chance avec elle. Elle avait environ 7 ans à cette époque-là et les 3 premiers jours qui suivirent son arrivée, ses relations avec Mia furent difficiles, elles se sont battues plusieurs fois, jusqu’à ce qu’elles aient établi leur hiérarchie. L’amour de Pasha pour la nourriture faisait qu'elle était toujours la première à l’heure du repas, tandis Mia était la chef pour tout ce qui concernait une place pour dormir.
J’ai été propriétaire de plusieurs lévriers, mais Pasha s’est rapidement avérée avoir un caractère encore plus spécial que tous les autres. Elle était très intelligente, ou plutôt maline. Sa vie clandestine lui avait donné certains traits: elle était voleuse comme tous les bons chiens de course et semblait toujours faire comme si elle n’était pas certaine qu'un prochain repas arriverait. On l'a vue à plusieurs reprises se glisser par la fenêtre avec du pain ou un muffin dans la bouche pour retrouver sa petite ''casita''. Nos invités nous disaient que leurs chaussures, gilets, i phones et une fois même un soutien-gorge avaient disparu pendant la nuit.
Elle avait eu très peu de choses pendant sa vie donc elle collectionnait les objets comme une pie! Et impossible de nier qu’elle avait du goût en ce qui concernait la décoration intérieure, lorsque l'on découvrait le lendemain ce qu'elle avait amassé dans sa cabane! Elle passait ses journées près de moi, jamais plus éloignée de 3 mètres et c’était incroyable comme elle était affectueuse avec les petits-enfants, très heureuse dans sa nouvelle famille adoptive. Effectivement, elle a eu beaucoup de chance durant les 5 prochaines années qui suivirent car sa vie était belle.
Mais le 28 septembre 2011 tout a changé d’un seul coup. Elle avait passé 10 jours merveilleux à jouer avec les petits-enfants, leur disant souvent '‘bonjour’' avec son aboiement bizarre. Nous avons conduit la famille à l’aéroport d’Alicante l’après-midi et quand nous sommes rentrés, elle était partie. A cette époque nous laissions souvent les chiens courir en liberté à l’extérieur de la maison pendant nos absences. La maison se trouve à la montagne, très isolée. Pasha avait au moins 13 ans et Mia 10 ans donc elles étaient heureuses de jouer au ''vrai galgo''. Elles s'allongeaient près de la maison et se promenaient de temps en temps jusqu'au bout du chemin qui mène à notre maison. On a cherché Pasha partout et réfléchi à toutes les explications possibles. Je suis allé voir les voisins et j’ai mis des affiches partout. J’ai fait plusieurs recherches avec Mia, afin qu'elle puisse renifler l'odeur de Pasha et je n'ai pas arrêté de la chercher aux alentours en voiture. 48 heures plus tard, je suis retourné à un des endroits que j'avais déjà regardé. Mia a senti quelque chose et elle est partie en courant. Il pleuvait légèrement et il faisait lourd; on avait l’impression que les orages arrivaient. Je savais que j’allais la trouver, donc j’ai couru vite pour ne pas perdre Mia. On a lutté contre la végétation jusqu’à la falaise, et à ce moment-là j'ai senti l'odeur.
L’image que j’ai vue reste figée dans ma mémoire et y restera pour les années à venir. Elle était attrapée, la tête en bas dans un piège à câble; un lasso simple fabriqué avec un câble de 4 mm, attaché à un rondin. Elle avait dû descendre la pente, puis elle est tombée dans le piège. Son corps était pris dans le lasso et elle était suspendue par la partie la plus étroite de son ventre. Le lasso l’avait suspendue la tête en bas et elle est restée comme ça très longtemps avant de mourir lentement. Pendant qu’elle essayait de se libérer, le câble avait coupé profondément sa chair et son corps était trempé de sang. Elle a certainement été couverte de mouches au bout de quelques minutes. Ma pauvre vielle chienne est morte dans une terrible agonie.
J’écris ceci seulement 4 heures après l’avoir trouvée, mes yeux tellement trempés de larmes que j’arrive à peine à voir. La perdre de cette manière m’a frappé profondément et je suis en colère. Cette colère me pousse à vouloir faire quelque chose de positif en hommage à Pasha et aider d’autres galgos en Espagne.
C’était dur, mais j'y suis retourné pour prendre des photos, pour témoigner de ce qu’elle a souffert par rapport aux autres photos qu’on a d’elle et qui montrent sa vie joyeuse. Je veux choquer les gens pour provoquer des changements. Je veux que cette histoire soit aussi réelle et extrême que possible, parce qu’il existe beaucoup d’histoires à propos des chiens martyrisés et de la cruauté horrible envers d’autres galgos, mais Pasha avait un nom, elle était vraie et elle avait sa propre histoire qui peut être racontée en détail.
La première partie de sa vie était sans doute remplie de cruautés et de négligences et le résultat est qu’elle a faillit mourir de faim à cause du manque de compassion horrible dont font preuve beaucoup de chasseurs espagnols envers leurs chiens. Sa vie s’est terminée également dans mains des chasseurs qui posent des pièges illégaux pour attraper des sangliers. C’est une façon particulièrement cruelle de mourir.
Et si cela n’avait pas été un piège qui l’a tuée, cela aurait pu être les os que les chasseurs trempent dans du poison pour tuer des renards, uniquement parce que les renards mangent des perdrix, et que les chasseurs veulent garder ces oiseaux pour eux. Elle aurait également pu être abattue par un chasseur qui n'a rien trouvé d'autre à tuer ce jour-là. J’ai vu un soi-disant chasseur avec 6 grives musiciennes attachées à un fil autour de sa ceinture à seulement 100 m de ma maison, ravi de ce qu’il avait abattu. Je n’exagère pas; je peux citer plusieurs exemples identiques observés près de chez moi, sans penser aux autres cas de chasse illégale qui ont lieu tous les jours partout en Espagne.
Je ne suis pas entièrement contre la chasse, surtout pas en Espagne, et demander que cesse toutes les formes de chasse n'est pas possible, mais ce que je veux, c’est un changement d’habitudes et de mentalité de la part de certains chasseurs espagnols, afin qu’ils fassent plus attention à leurs actions. Cela pourrait empêcher beaucoup de souffrances inutiles du gibier et d’autres animaux de chasse et aussi des soi-disant '‘amis’' des chasseurs, les chiens.
Avant de vivre en Espagne je n'avait pas conscience que tout cela se passe ici. L’histoire de Pasha est une vraie histoire et peut motiver d’autres personnes dans d’autres pays à faire quelque chose contre la chasse illégale, ou du moins il faut que les gens sachent que cela existe. Si certains lecteurs ont des contacts médiatiques et souhaitent publier cette histoire, n’hésitez pas à me contacter. Je serais content d'écrire à nouveau à ce propos ou de parler avec des journalistes afin que la mort horrible de Pasha n'ait pas été en vain.